Il avait dessiné un Space Invader avec des post-its sur le grand mur blanc de sa chambre. Un rectangle de quatre post-its de largeur et six de longueur, surmonté de deux antennes de deux post-its chacune et deux paires de pates de respectivement cinq et trois post-its de long. Un chef d’œuvre de symétrie vert fluo. En le regardant depuis sa chaise de bureau en plastique rouge, il se mit à disserter sur l’utilité qu’il pourrait lui trouver. Il faut croire que l’odeur de nicotine -qui était à présent indissociable de ces quatre murs- l’empêchait de réfléchir correctement. Car à part le tenir éveillé et à l’écart de ses cahiers, ce qu’elle faisait avec talent, il est vrai que sa création n’était pas très fonctionnelle. Cela doit être dans la nature humaine de ne pas vouloir accepter la futilité d’une occupation qui vous a pris plus d’une heure.
En se grattant le front d’un geste nerveux, il remarqua que s’il passait rapidement sa main devant ses yeux, l’étrange créature de papier semblait se déplacer circulairement selon un axe situé précisément entre ses deux yeux. Amusé, il repoussa définitivement son livre d’histoire littéraire et tenta de faire suivre à son extra-terrestre un itinéraire précis. Tout valait mieux qu’une autre page de l’histoire du royaume d’Espagne au dix-neuvième siècle. Au plus il agitait ses doigts blancs et fins, au plus Marin -ainsi qu’il avait nommé son oeuvre- semblait prendre du relief. Il quitta rapidement sa position figée afin de voir si un quelconque déplacement de sa part dans l’espace pourrait accentuer le jouissif effet d’optique. Debout sous la lumière du bulbe, il se déplaçait avec frénésie, ne portant aucune attention à la sensation d’engourdissement qui se faisait déjà sentir dans le bout de ses doigts. Il devenait comme fou, suivant du regard avec délectation la créature quitter son mur pour se déplacer tout autour de cette chambre d’étudiant comme il en existe mille. Il fût soudain pris d’un fou rire incontrôlable, comme si ce jeu de couleurs et de mouvements était la chose la plus extraordinaire qu’il avait vue dans sa courte vie. Il était à bout de souffle, n’avait plus aucune conscience de ses mains mais était déterminé à faire durer cet instant magique le plus longtemps possible, la seule idée de la créature retrouvant le mur lui devenait insupportable. Il commençait à penser qu’il dirigeait réellement cet être pixellisé, développant des gestes précis afin de la faire, avancer, reculer et même ouvrir la bouche.
Soudain il se demanda ce qu’il se passerait s’il perdait le contrôle, si le martien venait à prendre conscience de ce rapport de force injuste et à agir par lui-même. Il tenta de se rassurer et de se convaincre de l’absurdité de son raisonnement mais il était déjà pris de sueurs froides. Sous l’effet de la panique il tenta de laisser retomber ses bras mais il semblait ne plus être maitre de son corps. Coincé dans cette chorégraphie surréaliste il était devenu spectateur de la naissance de cette bête verte qui semblait à présent grossir à chaque mouvement de ses mains endolories. Le titan de papier se rapprochait petit à petit de lui et l’air avenant qu’il s’était efforcé de lui donner se transformait maintenant en un rictus menaçant. Il reculait à présent et sentait l’armoire en chêne dans son dos. Il était pris au piège de sa création. Dans sa fuite désespérée pour échapper à cette tarasque sortie de son imagination, il trébucha sur une bouteille d’eau négligemment laissée au sol et fut précipité par la fenêtre. En une fraction de seconde et un craquement sourd, son corps gisait sur les dalles de bêton de la cour intérieure de son immeuble aux murs lézardés.
La seule chose que la voisine, alertée par les bris de verre, pu distinguer avant de percer le silence de l’après-midi d’un cri aigu, fut une silhouette verte et étrangement plate se pencher par la fenêtre, jetant un dernier regard sur le corps tordu.
En se grattant le front d’un geste nerveux, il remarqua que s’il passait rapidement sa main devant ses yeux, l’étrange créature de papier semblait se déplacer circulairement selon un axe situé précisément entre ses deux yeux. Amusé, il repoussa définitivement son livre d’histoire littéraire et tenta de faire suivre à son extra-terrestre un itinéraire précis. Tout valait mieux qu’une autre page de l’histoire du royaume d’Espagne au dix-neuvième siècle. Au plus il agitait ses doigts blancs et fins, au plus Marin -ainsi qu’il avait nommé son oeuvre- semblait prendre du relief. Il quitta rapidement sa position figée afin de voir si un quelconque déplacement de sa part dans l’espace pourrait accentuer le jouissif effet d’optique. Debout sous la lumière du bulbe, il se déplaçait avec frénésie, ne portant aucune attention à la sensation d’engourdissement qui se faisait déjà sentir dans le bout de ses doigts. Il devenait comme fou, suivant du regard avec délectation la créature quitter son mur pour se déplacer tout autour de cette chambre d’étudiant comme il en existe mille. Il fût soudain pris d’un fou rire incontrôlable, comme si ce jeu de couleurs et de mouvements était la chose la plus extraordinaire qu’il avait vue dans sa courte vie. Il était à bout de souffle, n’avait plus aucune conscience de ses mains mais était déterminé à faire durer cet instant magique le plus longtemps possible, la seule idée de la créature retrouvant le mur lui devenait insupportable. Il commençait à penser qu’il dirigeait réellement cet être pixellisé, développant des gestes précis afin de la faire, avancer, reculer et même ouvrir la bouche.
Soudain il se demanda ce qu’il se passerait s’il perdait le contrôle, si le martien venait à prendre conscience de ce rapport de force injuste et à agir par lui-même. Il tenta de se rassurer et de se convaincre de l’absurdité de son raisonnement mais il était déjà pris de sueurs froides. Sous l’effet de la panique il tenta de laisser retomber ses bras mais il semblait ne plus être maitre de son corps. Coincé dans cette chorégraphie surréaliste il était devenu spectateur de la naissance de cette bête verte qui semblait à présent grossir à chaque mouvement de ses mains endolories. Le titan de papier se rapprochait petit à petit de lui et l’air avenant qu’il s’était efforcé de lui donner se transformait maintenant en un rictus menaçant. Il reculait à présent et sentait l’armoire en chêne dans son dos. Il était pris au piège de sa création. Dans sa fuite désespérée pour échapper à cette tarasque sortie de son imagination, il trébucha sur une bouteille d’eau négligemment laissée au sol et fut précipité par la fenêtre. En une fraction de seconde et un craquement sourd, son corps gisait sur les dalles de bêton de la cour intérieure de son immeuble aux murs lézardés.
La seule chose que la voisine, alertée par les bris de verre, pu distinguer avant de percer le silence de l’après-midi d’un cri aigu, fut une silhouette verte et étrangement plate se pencher par la fenêtre, jetant un dernier regard sur le corps tordu.
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