C'est assez paradoxal de se dire que le plus beau moment du jour, c’est la nuit. Subjectif aussi, sans doute. Mais c’est ce que j’aime. La lumière artificielle et orange de l’éclairage public sur les cannettes de bières au sol. Les trois pauvres étoiles qu’on distingue entre les nuages et qui sont probablement des avions. Les bruits lointains qui fascinent ou effraient. L’odeur de la pluie sur le bitume froid est tellement plus agréable que celle, âpre, qui tombe sur les pavés chauffés par le soleil du sud. Quand la chaleur rend les armes, quand elle libère les citadins de leur torpeur moite, aux heures où rien de bon n’arrive, dans l’étroitesse des rues aux murs de pierres, sous la lumière des néons et dans le bruit, je me sens chez moi. Je regarde passer les dipsomanes et les égarés, ceux que la marée a rejetés sur la rive. Il m’arrive bien sûr de me mêler à eux. Mais pas cette nuit là.
Cette nuit j’étais d’humeur contemplative. Mon aventure espagnole touchait à sa fin. Non que j’étais déjà nostalgique ou que je cherchais désespérément des souvenirs à ramener chez moi. Non, assis sur le rebord d’une fontaine où trônent d’affreux angelots potelés, je me suis rendu compte combien cette ville m’aura été impénétrable. J’ai probablement -comme toujours- manqué d’ouverture aux autres. Mais le temps du bilan est encore loin, personne ne dévoile la morale au chapitre un, il faudrait pousser loin l’avant-gardisme. Il fallait Laisser les choses évoluer d’elles-mêmes.
J’ai terminé ma bière tiède et marché vers la sortie du quartier historique. Le Cierzo portait les rires des derniers fêtards alors que j’allumais ma dernière cigarette. Je n’ai pas eu de scrupules à jeter le paquet à trois euros nonante centimes dans le caniveau, cette ville était trop propre de toute façon. Ironiquement, au moment où ce constat s’imposait à moi, j’aperçu une fille vomir sur le trottoir d’en face. Je me suis brièvement demandé s’il était normal que je trouve ça un peu attirant. Sûrement pas. Il faudrait que je pense à vérifier si Freud a une théorie sur la déglutition. Ce taré a bien du pondre un truc là-dessus. La longue avenue qui mène au quartier universitaire est en pente douce, et au loin le soleil se levait. Il était décidemment temps de rentrer.
C’est en traversant les jardins de Avempace que je l’ai vu pour la première fois. Je n’ai même pas été étonné, comme si quelque part, je m’attendais à ce qu’il se montre ce matin là. Comme si j’avais toujours su qu’il était là. Mes Vans usées plantées dans le gravier de cette absurde plaine de jeux, je regardais son visage de mes yeux rougis par l’alcool et la fumée. À demi masqué par l’ombre de son chapeau ridiculement trop petit, il avait le faciès d’un cocker. Il m’a rendu mon regard, ses immenses coudes appuyés sur les toits des HLMs. Il avait l’air fatigué. Il s’est passé quelques minutes avant que le géant ne brise le silence d’un simple « Bonne nuit » et me sourie sous sa moustache d’un noir de jais. En me couchant tout habillé sur mon couvre de lit suédois de la gamme Örter (sept euros nonante-neuf en magasin) ce matin là, je m’en suis voulu de ne pas lui avoir demandé comment cela se faisait qu’il parlait français…
Cette nuit j’étais d’humeur contemplative. Mon aventure espagnole touchait à sa fin. Non que j’étais déjà nostalgique ou que je cherchais désespérément des souvenirs à ramener chez moi. Non, assis sur le rebord d’une fontaine où trônent d’affreux angelots potelés, je me suis rendu compte combien cette ville m’aura été impénétrable. J’ai probablement -comme toujours- manqué d’ouverture aux autres. Mais le temps du bilan est encore loin, personne ne dévoile la morale au chapitre un, il faudrait pousser loin l’avant-gardisme. Il fallait Laisser les choses évoluer d’elles-mêmes.
J’ai terminé ma bière tiède et marché vers la sortie du quartier historique. Le Cierzo portait les rires des derniers fêtards alors que j’allumais ma dernière cigarette. Je n’ai pas eu de scrupules à jeter le paquet à trois euros nonante centimes dans le caniveau, cette ville était trop propre de toute façon. Ironiquement, au moment où ce constat s’imposait à moi, j’aperçu une fille vomir sur le trottoir d’en face. Je me suis brièvement demandé s’il était normal que je trouve ça un peu attirant. Sûrement pas. Il faudrait que je pense à vérifier si Freud a une théorie sur la déglutition. Ce taré a bien du pondre un truc là-dessus. La longue avenue qui mène au quartier universitaire est en pente douce, et au loin le soleil se levait. Il était décidemment temps de rentrer.
C’est en traversant les jardins de Avempace que je l’ai vu pour la première fois. Je n’ai même pas été étonné, comme si quelque part, je m’attendais à ce qu’il se montre ce matin là. Comme si j’avais toujours su qu’il était là. Mes Vans usées plantées dans le gravier de cette absurde plaine de jeux, je regardais son visage de mes yeux rougis par l’alcool et la fumée. À demi masqué par l’ombre de son chapeau ridiculement trop petit, il avait le faciès d’un cocker. Il m’a rendu mon regard, ses immenses coudes appuyés sur les toits des HLMs. Il avait l’air fatigué. Il s’est passé quelques minutes avant que le géant ne brise le silence d’un simple « Bonne nuit » et me sourie sous sa moustache d’un noir de jais. En me couchant tout habillé sur mon couvre de lit suédois de la gamme Örter (sept euros nonante-neuf en magasin) ce matin là, je m’en suis voulu de ne pas lui avoir demandé comment cela se faisait qu’il parlait français…
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